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Le début de notre conte : la « préhistoire »

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Le développement du cerveau[tocIgnore][/tocIgnore]

A l’origine Sapiens est un animal comme un autre : sans aucune « destinée manifeste », condamné à suivre les lois de l’évolution. Ce n’est qu’il y a quelques centaines de milliers d’années que nous avons commencé à nous distinguer de nos « pairs ». On attribue souvent ce changement, ce déclic, à notre cerveau.

Qu'est-ce qui a causé son développement ? Nous n'en sommes pas sûrs. A première vue ça ne paraît pas très logique. Un cerveau plus gros a besoin de plus d'énergie et réduit ainsi les chances de survie. Obtenir plus d'énergie signifie chasser plus. L’un des principaux facteurs de contribution a sûrement été la domestication du feu. Ce dernier a en effet ouvert la voie à la cuisson.

Alors que les chimpanzés passent 5 heures par jour à mâcher des aliments crus, une seule heure suffit pour manger des aliments cuits. L'avènement de la cuisson a permis, à nous les humains, de diversifier nos sources de nourriture, de consacrer moins de temps à manger et de se contenter de dents plus petites et d'intestins plus courts. Certains scientifiques pensent qu'il existe en effet un lien direct entre l’apparition de la cuisson, la réduction de notre intestin et la croissance de notre cerveau. Puisque de longs intestins et de gros cerveaux consomment beaucoup d’énergie, il est difficile d’avoir les deux. En réduisant les intestins et leur demande d’énergie, la cuisson aurait ouvert la voie sans le vouloir aux « super-cerveaux ».

Mais cette évolution ne nous a pas rendus uniques. Nous étions en compétition avec l’homme de Néandertal notamment. Ils étaient plus forts, leur cerveau était plus gros et ils pouvaient mieux survivre au froid. Comment se fait-il donc que nous ayons « gagné » ?

Nous n'en sommes pas sûrs encore une fois. La réponse la plus probable c’est peut être la chose même qui rend ce débat possible : L'Homo sapiens a conquis le monde surtout grâce à son langage unique. [L’auteur l’a appelé la « Révolution Cognitive ».]

La Révolution Cognitive[tocIgnore][/tocIgnore]

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La Révolution Cognitive il y a environ 70 000 ans.

La révolution cognitive c’est l’apparition de nouvelles manières de réflexion et de communication, il y a entre 70,000 et 30,000 ans. Qu’est-ce qui l’a causé ? On ne sait pas pour sûr. La théorie la plus communément admise soutient que des mutations génétiques accidentelles ont modifié le câblage interne du cerveau des Sapiens, leur permettant de penser d'une manière sans précédent et de communiquer en utilisant un nouveau type de langage. Nous pourrions l'appeler « la mutation de l'Arbre de la Connaissance » [c’est une référence à l’arbre de la connaissance dans la bible].

Qu’est-ce qu’a notre langage de si spécial ?

Il est incroyablement souple. Nous pouvons relier un nombre limité de sons et de signes pour produire un nombre infini de phrases, chacune ayant une signification distincte. C’est ainsi que l’on peut ingérer, enregistrer et communiquer un nombre prodigieux d’informations à propos de notre monde environnant. Un singe peut crier à ses camarades : « Attention ! Un Lion ! ». Mais un humain « moderne » peut dire à ses amis que ce matin il a vu un lion chasser un troupeau de bison près du coude de la rivière. Il peut ensuite décrire l’emplacement exact, y compris les différents chemins qui mènent à la zone. Grâce à cette information, les membres de sa bande peuvent se réunir et décider s’ils devraient aller vers cette rivière pour faire fuir le lion et pourquoi pas chasser des bisons, ou non.

Mais en réalité l’intérêt principal et majeur de notre langage n’est pas cette capacité de transmettre des informations sur les hommes et les lions. C’est plutôt la capacité de transmettre des informations sur des choses qui n’existent pas du tout. En effet de ce que l’on sait, seul Sapiens peut parler d’entités qu’il n’a jamais vu, touché ou senti.

En utilisant le langage, beaucoup d’humains peuvent travailler ensemble, former une tribu, s’entraider ou chasser ensemble.

Cependant, la communication avec un grand nombre de personnes entraîne un problème de coordination. En effet, il est couramment admis que le seuil critique pour qu'un groupe interagisse ensemble est de 150 personnes au maximum. Il est très rare de trouver des animaux en meutes ou groupes supérieurs à cette taille, hormis les fourmis par exemple qui ont trouvé la solution à travers les phéromones - mais nous n’en avons pas.

Comment alors Homo sapiens a-t-il fait pour franchir ce seuil critique, pour finir par fonder des villes comprenant des dizaines de milliers d’habitants ou des empires gouvernants des centaines de millions ? Notre « secret » est probablement l’apparition de la fiction. Un grand nombre d'étrangers peuvent coopérer avec succès en croyant à des mythes communs, à une réalité imaginaire (ou imaginée).

Contrairement à un mensonge, une réalité imaginée est quelque chose en laquelle tout le monde peut croire. Et tant que cette croyance commune persiste, cette « réalité » peut influer sur le monde.

En d’autres mots, alors que le comportement des humains « archaïques » est resté le même pendant des dizaines de milliers d’années, Sapiens a pu transformer sa structure sociale, la nature de ses relations interpersonnelles, son activité économique et une foule d’autres choses en une seule décennie ou deux.

Prenons le commerce comme exemple. Le commerce ne peut pas exister sans confiance. Or il est très difficile de faire confiance à un parfait étranger. Ainsi le réseau commercial global d’aujourd’hui est entièrement basé sur des entités fictives comme le dollar, la Réserve Fédérale des Etats Unis, ou les marques « totémiques » des entreprises. Quand deux étrangers d’une société tribale voulaient commercer ils se faisaient souvent confiance en faisant appel à un dieu commun, un ancêtre mythique ou autre animal sacré. C’est la même chose.

La mutation de notre arbre de la connaissance a donc été très importante. C’est pourquoi ce n'est pas seulement notre biologie qui nous a menés à là où nous en sommes aujourd'hui.

1) La biologie met en place les contraintes qui déterminent le comportement et les capacités d’Homo sapiens. L’entièreté de notre histoire prend place dans le cadre de cette « arène biologique ».

2) Cette arène est extraordinairement grande, permettant à Sapiens de jouer une variété étonnante de jeux. Grâce à la possibilité d’inventer des fictions, Sapiens crée des jeux de plus en plus complexes, que chaque génération développe et élabore pour aller encore plus loin.

3) Par conséquent, pour comprendre comment et pourquoi Sapiens se comporte à l’heure actuelle de telle façon, on doit décrire l’évolution historique de toutes ses actions depuis le début. [C’est ce que nous allons voir pour la suite de ce dossier, jusqu’à atteindre l’époque contemporaine. Mais avant ça, allons un peu plus loin sur ce concept de réalité imaginée.]

Les réalités imaginées pour résoudre le problème de coordination[tocIgnore][/tocIgnore]

Contrairement à un ordre imaginaire, un « ordre naturel » est stable. Il n’y a aucune chance que la gravité cesse de fonctionner demain, même si les gens arrêtent d’y croire. En revanche, un ordre imaginaire est toujours en danger de disparition, parce qu’il repose sur des mythes, et les mythes disparaissent lorsque les gens arrêtent d’y croire. Afin de sauvegarder un ordre imaginé, des efforts continus et acharnés sont impératifs. Certains de ces efforts peuvent prendre la forme de la contrainte ou de la violence.

Dire qu’un ordre social est maintenu par une force militaire pose immédiatement la question : qu’est-ce qui maintien cet ordre militaire ? Il est impossible d’organiser une armée uniquement par la contrainte. Au moins certains des commandants et des soldats doivent vraiment croire en quelque chose, que ce soit Dieu, l'honneur, la patrie, la virilité ou l'argent.

En effet pour maintenir un ordre imaginaire il faut des personnes qui y croient : les militaires, les élites et les paysans. Pour y croire, il suffit souvent qu’ils soient convaincus qu’il est réel et non pas imaginaire.

Trois facteurs principaux empêchent les gens de réaliser que l'ordre organisant leur vie n'existe que dans leur imagination :

L’ordre imaginé est ancré dans le monde matériel.[tocIgnore][/tocIgnore]

Par exemple, les maisons ont de petites pièces pour chaque personne qui y vit. Cette architecture favorise l'individualisme, sans même que ses occupants en aient conscience.

L’ordre imaginé façonne nos désirs.[tocIgnore][/tocIgnore]

La plupart des gens ne veulent pas accepter que l'ordre qui régit leur vie soit imaginaire, or chaque personne naît dans un ordre imaginé préexistant et ses désirs sont façonnés dès sa naissance par ces mythes dominants. Nos désirs personnels deviennent ainsi les défenses les plus importantes de l’ordre imaginé.

L’élite de l’Égypte antique a passé ses fortunes à construire des pyramides et à faire momifier leurs cadavres, mais aucun d’eux n’a songé à aller faire du shopping à Babylone ou à prendres des vacances au ski en Phénicie. Aujourd’hui, les gens dépensent beaucoup d’argent en vacances à l’étranger parce qu’ils croient vraiment aux mythes du consumérisme romantique. Le romantisme nous dit que pour tirer le meilleur parti de notre potentiel humain, nous devons vivre autant d’expériences différentes que possible.

Un homme riche de l'ancienne Égypte n'aurait jamais rêvé de résoudre une crise de couple en emmenant sa femme en vacances à Babylone. Au lieu de cela, il aurait pu lui construire le somptueux tombeau qu'elle avait toujours souhaité.

Peu de gens remettent en question les mythes qui nous poussent à « désirer la pyramide » en premier lieu.

L’ordre imaginé est inter-subjectif[tocIgnore][/tocIgnore]

Même si, par un effort surhumain, je réussis à libérer mes désirs personnels de l'emprise de l'ordre imaginé, je ne suis qu'une personne. Pour changer l'ordre imaginaire, je dois convaincre des millions d'étrangers de coopérer avec moi. Car l'ordre imaginé n'est pas un ordre subjectif existant dans mon propre imaginaire, mais plutôt un ordre inter-subjectif, existant dans l’imagination partagé de milliers et millions de personnes.

L'inter-subjectif est quelque chose qui existe au sein du réseau de communication reliant la conscience subjective de nombreux individus. Si une seule personne change de croyance, voire meurt, cela n’a que peu d’importance. Cependant, si la plupart des individus du réseau meurent ou changent de convictions, le phénomène inter-subjectif va muter ou disparaître.

Un changement d'une telle ampleur ne peut être accompli qu'avec l'aide d'une organisation complexe, telle qu'un parti politique, un mouvement idéologique ou un culte religieux. Cependant, afin de mettre en place des organisations aussi complexes, il est nécessaire de convaincre de nombreux étrangers de coopérer les uns avec les autres. Et cela n'arrivera que si ces étrangers croient en certains mythes partagés. Il s'ensuit que pour modifier un ordre imaginaire existant, il nous faut d'abord croire en un ordre imaginaire alternatif !

Préserver la réalité imaginée[tocIgnore][/tocIgnore]

Après l’arrivée des réalités imaginées, vint un moyen de les faciliter et de les propager.

Entre 3500 et 3000 ans avant JC, des génies Sumériens inconnus ont inventé un système permettant de stocker et de traiter des informations en dehors de leur cerveau, un système spécialement conçu pour gérer de grandes quantités de données mathématiques. Les Sumériens ont ainsi libéré leur ordre social des limites du cerveau humain, ouvrant la voie à l’apparition de villes, de royaumes et d’empires. Le système d’information inventé par les Sumériens s’appelle « l’écriture ».

Les animaux qui se livrent à des agressions ritualisées sur des étrangers le font en grande partie par instinct - les chiots du monde entier ont ces règles brutales du jeu dans leurs gènes. Mais les adolescents humains n'ont pas de gènes pour le football. Ils peuvent néanmoins jouer avec de parfaits inconnus car ils ont tous appris le même ensemble d’idées sur le football. Ces idées sont entièrement imaginaires, mais si tout le monde les partage, nous pouvons tous jouer le jeu.

Avec des nombres plus importants et des commandements imaginaires en croissance, il nous fallait un système pour organiser les règles : personne ne pouvait se souvenir de toutes.

Le simple fait d’imprimer un document dans l’argile ne suffit pas à garantir un traitement efficace, précis et pratique des données. Cela nécessite des méthodes d'organisation telles que des catalogues, des méthodes de reproduction telles que des photocopieuses, des méthodes de récupération rapides et précises telles que des algorithmes informatiques et des bibliothécaires pédants qui savent comment utiliser ces outils. Inventer de telles méthodes s'est avéré beaucoup plus difficile que d'inventer l'écriture…

La Révolution Agricole[tocIgnore][/tocIgnore]

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La Révolution Agricole il y a 12 000 ans.

La « monnaie » de l’évolution n’est pas la faim ou la douleur, mais plutôt les copies des hélices d’ADN. Tout comme le succès d’une entreprise est mesuré seulement par le nombre de dollars dans son compte en banque, et non pas par le bonheur de ses employés, le succès de l’évolution d’une espèce est communément mesuré par le nombre de copies de son ADN. S’il n’y a plus de copies de cet ADN, l’espèce est éteinte, tout comme une entreprise sans argent est en faillite (et n’existe plus).

Si une espèce dispose de plein de copies de son ADN alors c’est un succès et l’espèce est florissante. De ce point de vue-là, 1,000 « copies » valent toujours mieux que 100. C’est l’essence de la Révolution Agricole telle qu’on la conçoit habituellement : la possibilité de garder plus de gens en vie… mais en réalité sous de largement moins bonnes conditions. Tout comme l’évolution du chiffre d’affaire d’une entreprise ne mesure pas le réel bonheur de ses employés.

En effet, plutôt que d’engendrer une nouvelle ère où la vie serait plus facile, la Révolution Agricole a laissé aux agriculteurs des vies généralement plus difficiles et moins satisfaisantes que celle des chasseurs-cueilleurs. Ces derniers passaient leur temps de manière plus variée et stimulante, et étaient bien moins en danger de famines ou d’épidémies, le côté pervers et « caché » de ce que cette révolution nous a apporté. Elle a certes élargi la somme totale de nourriture à disposition de l’humanité, mais ces « extras » ne se sont pas convertis en un meilleur régime alimentaire ou plus de loisirs. Au contraire, ils se sont plutôt traduits par une explosion de la population et une élite gâtée. L’agriculteur moyen travaillait plus dur que le fourrageur moyen, et recevait un régime alimentaire bien moins varié en retour. La Révolution Agricole est la plus grande fraude de l’histoire !

Contrairement à la cueillette, travailler un peu plus à la ferme donnait toujours plus de nourriture. S’installer dans une ferme signifie aussi une plus grande liberté pour se reproduire – en effet puisqu’ils ne se déplaçaient pas en permanence ils pouvaient se permettre d’avoir plus d’enfants. En échange cependant ça donne une plus grande population. Et plus de monde signifie plus de besoins de nourriture. Ainsi les agriculteurs étaient forcés de travailler encore plus dur.

Mais pourquoi alors n’avons nous pas abandonné l’agriculture quand le « plan » s’est retourné contre nous ? Probablement parce qu'il a fallu des générations pour que les petits changements s'accumulent et transforment la société et, à ce moment-là, personne ne se souvenait qu'ils avaient jamais vécu différemment. Et probablement aussi parce que l’augmentation de population a eu un effet pervers : Si l’adoption du labourage a augmenté la population d’un village de 100 à 110, qui se serait porté volontaire pour mourir de faim pour que les autres puissent revenir « au bon vieux temps » ? C’était impossible de revenir en arrière. Le piège s’était refermé.

L’une des rares lois de fer de l’histoire est que le luxe a tendance à devenir une nécessité et à engendrer de nouvelles obligations.

Cet écart entre le succès de l'évolution et la souffrance individuelle est peut-être la leçon la plus importante que nous pouvons tirer de la révolution agricole. En réalité, lorsque l’on étudie l’histoire de plantes comme le blé ou le maïs, là oui la perspective purement évolutive peut faire sens. Cependant dans le cas d’animaux comme les bovins, les moutons ou Sapiens, chacun avec un monde complexe de sensations et d’émotions, il nous faut prendre en compte comment le succès évolutif se traduit en expérience individuelle.

En réalité on peut considérer que la Révolution Agricole n’est pas la domestication du blé par l’humain, c’est au contraire la domestication de l’humain par le blé, l’espèce qui y a le plus gagné puisqu’elle recouvre elle aussi la planète de nos jours [et c’est une plante, contrairement aux humains].

Les réalités imaginées : plus de souffrances individuelles ?[tocIgnore][/tocIgnore]

Comprendre l'histoire de l’humanité au cours des millénaires qui ont suivi la révolution agricole se résume à une seule question : comment l’homme s’est-il organisé en réseaux de coopération de masse, alors qu'il manquait des instincts biologiques nécessaires pour soutenir de tels réseaux ? La réponse courte est que les humains ont créé des ordres imaginés et conçu des scripts, des scénarios. Ces deux inventions ont comblé les lacunes de notre héritage biologique, on l’a vu.

Cependant, pour beaucoup, ça a été une bénédiction douteuse. Avec chaque ordre imaginé sont venues les hiérarchies sociales et politiques.

Tout au long de l'histoire et dans presque toutes les sociétés, les concepts de vice ou de pureté ont joué un rôle de premier plan dans le renforcement des divisions sociales et politiques ; et ont été exploités par de nombreuses classes dirigeantes pour préserver leurs privilèges.

Si vous voulez isoler un groupe d’humains - femmes, juifs, roms, gais, noirs - la meilleure façon de le faire est de convaincre tout le monde que ces personnes sont une source de dépravation ou d’impureté etc...

Cela a tendance à conduire à un cercle vicieux d'exploitation des personnes « plus faibles » sur l'échelle sociale. En effet, en suivant le stéréotype que les noirs sont moins intelligents, on leur empêche d’accéder à une meilleure éducation / enseignement, entretenant de ce fait leur « retard » sur les blancs, ce qui va encore plus renforcer ce stéréotype qui est la cause et la conséquence à la fois.

Ces structures sociales se forment en fonction de la hiérarchie, selon que ce soit visible ou pratique. Un exemple avec les esclaves à la peau sombre. Les conquérants européens de l'Amérique ont choisi d'importer des esclaves d'Afrique plutôt que d'Europe ou d'Asie de l'Est en raison de trois facteurs circonstanciels. Premièrement, l’Afrique est plus proche, il était donc moins cher d’importer des esclaves du Sénégal que du Vietnam. Deuxièmement, il existait déjà en Afrique une traite negrière bien développée (exportant principalement des esclaves au Moyen-Orient), tandis qu'en Europe l'esclavage était très rare. Il était évidemment beaucoup plus facile d'acheter des esclaves sur un marché existant que d'en créer un nouveau à partir de rien.

Troisièmement, et c’est le plus important, les plantations américaines dans des régions telles que la Virginie, Haïti ou le Brésil étaient en proie au paludisme et à la fièvre jaune, originaires d’Afrique. Les Africains avaient acquis au fil des générations une immunité génétique partielle contre ces maladies, alors que les Européens étaient totalement sans défense et mouraient en masse. Il était donc plus sage pour un propriétaire de plantation d'investir son argent dans un esclave africain plutôt que dans un esclave européen ou un travailleur sous contrat.

Paradoxalement, la supériorité génétique ici (en termes d'immunité) se traduit par une infériorité sociale.

Durant l’histoire, presque aucune société n’a partagé exactement les mêmes hiérarchies imaginaires avec les autres. La race était très importante pour les Américains du 18 et 19e siècles mais était relativement insignifiante pour les musulmans du Moyen Age. La caste était une question de vie ou de mort dans l'Inde médiévale, alors qu'elle est pratiquement inexistante dans l'Europe moderne. Une hiérarchie a toutefois revêtu une importance primordiale dans toutes les sociétés humaines connues : la hiérarchie des sexes. Partout, les gens se sont divisés en hommes et en femmes. Et presque partout, les hommes ont la meilleure offre, du moins depuis la révolution agricole. Comment et pourquoi cet ordre là est « universel » au contraire des autres ? [L’auteur n’y apporte pas de réponse.]

Mais alors comment pouvons-nous distinguer ce qui est déterminé biologiquement de ce que les gens essaient de justifier au moyen de mythes ? Une bonne règle d'or : « la biologie permet, la culture l’interdit ». La biologie est prête à tolérer un très large éventail de possibilités. C’est la culture et les mythes qui obligent les gens à réaliser certaines possibilités tout en interdisant les autres. La biologie permet aux femmes d'avoir des enfants - certaines cultures obligent les femmes à « ne faire que ça ». La biologie permet aux humains de prendre du plaisir lors des relations sexuelles entre eux - certaines cultures leur interdisent de le faire en dehors de circonstances particulières (comme le mariage).

C’est ainsi que la révolution agricole a entraîné beaucoup de souffrances individuelles. Elle a conduit à plus d'humains avec un régime alimentaire limité, un risque de famine plus élevé… Par conséquent il fallait des ordres imaginaires pour coordonner autant de personnes, des scénarios pour préserver ces ordres (comme des mythologies) et des hiérarchies sociales pour les maintenir. En même temps, ce fut un succès évolutif - beaucoup plus de personnes étaient en vie à un moment donné. Mais à quel « prix » ?

Tous les ordres imaginés apparus jusqu'en 1000 av. J.-C. avaient une frontière claire. Dans l’Égypte unifiée ou la Rome antique, tous ceux qui se trouvaient hors du pays étaient des barbares. « Nous vs eux ». Comme le dit Seth Godin aujourd’hui : « Les gens comme nous font les choses comme ça [et pas autrement] ».

Cependant le premier millénaire avant notre ère a vu l’apparition de trois ordres potentiellement universels, dont les fidèles pouvaient pour la première fois imaginer le monde entier et l’ensemble de la race humaine comme une seule et même entité, régie par un seul ensemble de lois. Tout le monde était « nous », du moins potentiellement. Il n’y avait plus de « eux ».

A propos de l'auteur et de ce site :

Tombé dans l'informatique étant petit tel un Obélix (à 3 ans pour être précis), j'ai la chance contrairement à ce dernier de pouvoir continuer à en prendre des "doses quotidiennes", depuis 27 ans pour tout dire . En effet je suis ce qu'on appelle un geek (un vrai, genre je joue pas à candy crush désolé) et je suis aussi développeur à plein temps maintenant... Lire la suite

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